Loué sois Tu prédication du 7 février 2021

Trois raisons pour louer Dieu Prédication à Barbezieux le 7 février 2021 sur Marc 13, 28 à 37 Angelika Krause

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Trois raisons pour louer Dieu

Prédication à Barbezieux le 7 février 2021

sur Marc 13, 28 à 37

Angelika Krause

 

Une des théologiennes du 20e siècle qui a les plus marqué la réflexion après la Deuxième guerre mondiale, Dorothée Sölle, a face à ses amis qui ne croient pas en Dieu, rendu compte de son élan intérieur : chercher chaque jour trois raisons pour louer Dieu.

Elle a relaté cet exercice spirituel dans un petit livre de poèmes. Je ne sais pas si elle a eu tous les jours gain de cause dans sa recherche obstinée de louer Dieu. Parfois je m’emploie de mon coté à cette démarche. Surtout les jours les plus habituels. Avec plus ou moins de bonheur je gratte parfois le fond de caisse. Mais là, l’autre jour, les grandes raisons pour louer Dieu, en plus : un même jour, sont venues à ma rencontre.

 

Premier émerveillement : je prends le téléphone. Quand le mari entends ma voix, il ne parle même pas : il dit « Je vous passe l’intéressée ». Cela aurait pu être lui, l’intéressé. Lui qui avait accompagné sa femme durant des semaines à l’hôpital. Qui avait déjà imaginé qu’elle ne se réveillera plus. Il passe le combiné et cette belle voix grave et joyeuse me dit « Dieu existe. » et elle rajoute «  … j’ai toujours suivi un chemin de culte, de lecture. Mais maintenant, je sais : Il existe ». Cette joie était si contagieuse. Elle s’inquiétait un peu. Elle ne voulait pas prendre ma place de pasteure. Je l’encourage dans sa voie de partage. Témoigner nous appartient à tous.

Trois raisons pour louer Dieu ? Elles étaient déjà dans cette rencontre :

Loué sois Tu pour cet homme qui pouvait s’effacer et mettre sa femme au centre.

Loué soit Tu pour cette joie de vivre et d’exister de cette femme, à la sortie de l’hôpital, qui n’était qu’un intermède avant une nouvelle hospitalisation.

Loué sois Tu pour sa soif de partager et de témoigner, comme un ruisseau qui dévale les collines et qui déborde.

 

Et cette journée qui avait si bien commencé a continué de telle manière. Je vous épargne les détails. J’ai vécu deux autres moments forts.

 

Dans un magasin, j’ai rencontré une musicienne en fin d’études. Un peu en rade. Car les emplois en temps de Covid ne se pressent pas à sa porte. Alors elle met son énergie à profit pour une association qui informe et collecte du matériel hygiénique pour des femmes qui vivent de manière précaire dans la rue. Nous avons parlé musique, nous avons partagé un moment de complicité et je suis repartie avec un nouveau regard. Lumineux.

Loué soit Tu pour cette jeune femme qui pouvait mettre son temps libre à profit.

Loué soit Tu, car au milieu d’une arrière-boutique un peu vide, une bulle de partage a émergé.

Loué soit Tu pour ces femmes qui portent soin de leurs con-soeurs comme si c’était leur propre sort.

 

Et puis, le couvre-feu s’est abaissé sur la ville. Les dernières voitures se sont empressées de rentrer à la maison.

 

Je suis arrivée devant le tribunal. …et encore une raison de louange. Un jeune attendait en bas des marches, il attendait ses copains qui étaient dedans pour une audition. Il n’avait pas de papier qui l’autorisait à quoi que ce soit. Il n’avait pas de raison valable. Il attendait juste. Et les policiers l’ont laissé partir sans le verbaliser. Loué sois Tu pour des agents qui sont capables d’humanité.

     Je suis entrée dans le tribunal et le personnel de surveillance m’a accueillie : « il a la pêche, le monsieur que vous accompagnez ». Ils auraient pu être légèrement énervés après deux heures qu’il avait hanté cette salle des pas perdus avec ses interrogations, ses ruminations, ses interpellations. Mais non : Loué sois Tu pour ce personnel qui s’était laisser toucher par un vieil homme qui détonne.

     Je suis entrée dans la salle d’audition avec lui et son avocate. Et contrairement à ce que j’avais craint, le tribunal a pris 40 minutes pour l’écouter, pour saisir ce qui s’était passé. Et je regrette de ne pas avoir noté les paroles de la substitut du procureur : elle plaide que S. vit dans une autre espace-temps que nous autres. Cette une démonstration philosophique un peu poussée. Comme il vit dans une autre espace-temps, sa responsabilité n’est pas engagée. La juge proclame la relaxe. « Vous êtes relaxé », répète l’avocate. Incroyable, mais vrai. Au milieu de tant d’évidences, de tant d’articles et tant de procès-verbaux, les membres du tribunal ont trouvé une sortie valable. Loué soit Tu, notre Dieu, quand la justice des humains protège la dignité de tous. Quand elle parle juste.

 

N’est-ce pas cette proximité du Royaume que Jésus invoque ? Les arbres et arbustes manquent de feuilles. Nous traversons un paysage sans éclat. Hivernal. En manque de luminosité. Même en Palestine, au temps de Jésus, l’hiver est l’hiver. Vous pouvez le vérifier quand vous lisez des polars qui jouent en Israël. Tout le monde se carapate dans ses parkas et le froid saisi les maisons. N’effaçons pas cette réalité par des images de voyage qu’on fait à la belle saison et qui nous empêchent d’entendre la parole de Jésus.

 

Ne voyez-vous pas ?

Nous sommes là, à cette saison-là que Jésus décrit. Nous traversons un paysage âpre, en manque de végétation, malmené par les débordements des eaux. Nous traversons un paysage humain malmené par les réalités économiques. Nous traversons un paysage social malmené par le manque de rencontres fortuites, gratuites, joyeuses.

 

Pouvons-nous ouvrir nos regards à la sève qui monte ?

 

L’autre soir, les saules dans la vallée du Né étaient illuminés. Jaunes.

Les tiges des arbustes le long de la Nationale 10 étaient rouges.

Avez-vous ouvert les yeux ? Avez-vous vu ?

Avez-vous écouté les oiseaux qui chantent le printemps en avant-coureurs ?

 

Trois raisons pour louer Dieu… Il y aura des jours où nous ne voyons rien venir. Où nous n’entendons rien. Nous avons du mal à nous départir de notre attitude « Circulez, rien à signaler ». Oui, nous circulons. Les habitudes nous tiennent, nous soutiennent. La sève ne semble pas monter dans les tiges. Nous ne voyons rien. Et puis, dans un éclat, tout est là.

     Cela attend d’être vu. Le jaune et le rouge au-dessus des déferlements du Né, du Trèfle et du Pharôn1. Les branches qui captent les rares rayons. L’énergie qui se fait jour.

 

Guetter dans chaque jour trois raisons pour louer Dieu, n’est-ce pas une piste pour nous mettre à l’écoute du royaume de Dieu qui vient avec force ?

Partager chaque jour trois raisons pour louer Dieu, n’est-ce pas un chemin qui nous fait avancer malgré les âpretés ?

 

Et j’ai bien envie de retourner au tribunal, entendre encore une fois l’argumentaire qui m’avait soufflé :

     oui, il y a des réalités de notre monde, irréfutables, implacables. Mais il y a aussi un autre espace-temps ! Habitons-le. Il nous offre un avenir. Le royaume est à notre porte. …à notre portée.

Amen

 

1  Rivières des Sud-Charentes. Le Pharôn et le Treffle sont des affluents du Né qui rejoints à son tour la Charente.

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