Prédication du 23 mai 2021

Prédication dialoguée sur Mathieu 21, 28 à 30 (Angelika Krause et Geneviève Engel) Culte de Pentecôte avec baptême d'un catéchumène

Prédication dialoguée sur Mathieu 21, 28 à 30 (Angelika Krause et Geneviève Engel)

Culte de Pentecôte avec baptême d’un catéchumène

Dimanche 23 Mai 2021 à Montendre

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AK : Un père avait deux fils … heureusement que chez vous, il y a trois fils. « Toute ressemblance avec la réalité est exclue », serait écrit au début ou à la fin d’un bouquin, si c’était un livre. Mais justement : quand cette petite mise au point apparaît, nous le savons : Même si nous parlons de personnes que nous ne connaissons pas, nous évoquons des situations qui nous parlent.

GE : Jésus a raconté beaucoup d’histoires où toute ressemblance avec la réalité était exclue. Il nous permet ainsi de prendre un peu de distance pour réfléchir plus aisément à notre propre situation.

AK : Un père, deux fils. La transmission est en jeu. Le père met en perspective sa vigne. Il a un héritage à donner, mais c’est un héritage exigeant. La vigne, elle est une richesse à condition qu’on se bouge un peu. Elle est là, devant nos yeux, mais elle se donne à condition que quelqu’un la travaille.

GE : Toute l’année, avec quelques instants de répit, la vigne demande notre présence. En hiver, on la taille, on aère ses racines, on désherbe, en été on la relève, … on enlève les feuillages qui cachent les grappes, …. pour arriver enfin à ce moment délicieux où la vigne promet une vendange : les grappes ont viré de couleur. Foncées, presque noires, elles se présentent.

AK : Elles se présentent, mais encore un nouveau programme : couper, porter, rentrer à la maison, presser …et attendre que le jus macère et travaille pour donner, enfin, du vin.

GE : La vigne est une richesse pour celui qui s’est donné à la vigne. Autrement, elle est un plaisir passager, un régal pour les yeux, …

AK : … ou comme parfois, dans d’anciens vignobles, elles donnent une image de désolation, avec ses pieds centenaires qui s’alignent sur un terrain, sans la moindre grappe. … Juste quelques insectes qui volettent autour et les herbes qui envahissent les pieds.

GE : La vigne se donne à celui qui se donne à elle. Autrement, elle reste un champ de labeur ou un plaisir passager.

AK : La vigne, dans l’ancien Israël, est justement cela : c’est le fait qu’on est peuple de Dieu. Israël est la vigne. Elle est propriété de Dieu. Mais elle ne se donne qu’à celui qui se donne à elle.

GE : Mais, il peut arriver que quelqu’un hérite de la vigne et qu’il veuille l’exploiter avec un grand profit à court terme …

AK : Effectivement, ce n’est pas uniquement aujourd’hui que nous connaissons de tels comportements de propriétaires : actionnaires de banques ou d’usines, sociétaires d’infrastructures … tous veulent voir le bénéfice de leurs parts qu’ils ont acquis. Le rendement est devenu un maitre-mot dans notre monde actuel. …

GE : … et cela peut bien marcher pendant quelques années. On reçoit un gain en fonction de la productivité.

AK : Dans la bible, on connaît encore pire : il y est question de ceux qui attendent la récolte et qui volent le produit du travail des autres, en tuant les ouvriers, les gardiens et les propriétaires légitimes.

GE : … en laissant derrière eux un champ de désolation.

AK : Le projet de transmission dans lequel Jésus invite est évidement un projet à long terme. Quand le père incite ses fils, il ne parle pas de profit mirobolant, de vin qui soit agréable en bouche, non, il parle …de travail. Il parle d’une relation avec ce que nous allons recevoir en héritage qui est, encore une fois, exigeante.

GE : Travailler dans la vigne, … le fils aîné se voit dans la logique de la chose. Il s’insère dans une filiation sans poser de questions, sans s’opposer. Il dit « oui ».

AK : Quoi de plus logique. Cela va de soi. Un fils aîné entre dans la transmission de façon linéaire. Les choses lui sont dues, mais est-ce qu’il se donne à elles ?

GE : Cela arrive souvent que nous disions « oui », dans un premier temps. Nous disons oui, et nous réalisons que nous n’en avons pas la force, ou pas le goût,

AK : qu’il y a des choses plus importantes, … ou quoi encore. Oui, nous n’y allons pas. … et nous attendons les foudres du ciel qui vont s’abattre sur nous. Celui qui nous a incités à participer à son projet, celui qui nous a proposé d’entrer dans sa vigne, il va se fâcher, il va se tourner contre nous.

GE : Pas ce père là. Lui, il ne cultive pas ses ressentiments. Il ne s’arrête pas sur l’échec. Il va en avant. Ce qui compte, c’est la vigne. Il mandate le fils cadet. « Va travailler dans la vigne ».

AK : … et là, nous retenons notre souffle, car le cadet dit « non »

GE : Il n’y a pas de plan B.. L’échec est total. Pauvre père. La vigne va rester à l’abandon. Une propriété qui va péricliter. Nostalgie des temps révolus. On va encore récolter quelques grappes, pendant quelques années. On admirera avec regret les jolis murets qui l’entouraient … et petit à petit tout va s’effondrer, s’effilocher.

AK : Certains vont dire, sans remords : Nouveaux temps, nouvelles mœurs!

GE : … ou « Tout change »

AK : Oui, les choses sont soumises à des lois impitoyables. Elles ont du mal à se relever de l’abandon, de la négligence. Mais ici, nous ne sommes pas encore allés au bout. Il n’est pas nécessaire que nous fassions un éloge funèbre. Ici, nous sommes en face de quelque chose de prodigieux.

GE : Autant  le père a persévéré : Il n’a qu’un projet en tête « Faire vivre sa vigne », autant  le fils a une capacité toute à fait humaine « Il peut changer d’avis ».

AK : Car il y va. Lui, qui n’avait jamais pensé à se casser le dos dans les rangs des vignes, lui qui n’avait peut-être jamais eu la patience d’attendre le mûrissement du raisin, lui qui n’avait probablement pas eu assez d’imagination pour flairer le goût du vin à travers le dur travail de la vigne,

GE : Lui, il y va. … Pourquoi ?

AK : On n’en sait rien. Peu importe. Ce qui compte c’est qu’il y va.

GE : L’héritage qu’il va recevoir, il le découvre en le travaillant. Il va se transformer, à travers les saisons :

AK : La vigne : derrière l’image nous pouvons apercevoir notre relation avec Dieu. Elle est une proposition qui nous vient des générations avant nous. Parfois nous disons juste « oui », comme le frère aîné. Nous disons « oui », mais nous ne savons pas l’investir. …et nous restons sur notre faim, car une vigne que nous n’investissons pas, part à l’abandon. Ce n’est pas parce que nous avons été élevés dans une famille croyante que notre foi va s’épanouir. La famille croyante, elle nous rappelle l’héritage. Elle nous indique l’emplacement de la vigne. C’est une grande chance. Parents et grands-parents nous disent : Ici, tu peux creuser. Ici, cela vaut la peine de cultiver.

GE : Car la foi, elle a besoin d’être concrète.

AK : T…., tu penses peut-être à ta mère. Elle a su se rendre présente à la vigne. En faisant du caté, en balayant la salle, en priant. Elle a su se rendre présente à la vigne, et pour toi, c’était visible que la vigne s’est donnée à elle. D’autres avant elle ont fait de même. D’autres comme ta marraine sont entrées dans ces pas. Elle donne envie de travailler à notre tour dans la vigne.

GE : Cette histoire, c’est rassurant : Même quand on n’a pas envie, on peut trouver sa voie. La vigne est patiente. Elle peut attendre. Nous ne sommes pas dans l’urgence. Dire « non » est possible, même parfois nécessaire. Le « pas maintenant », le « non » sont l’expression du fait que nous sommes sincères.

AK : Une foi qui ne serait qu’un maquillage, un vernis, cela ne sert à rien. Nous le voyons chez le fils qui dit « oui ». Mais il reste en dehors, hors du coup. Il veut plaire, mais il rate tout.

GE : Parfois je pense que chez nous, humains, les choses ne sont pas toujours si simples entre le oui et le non. Parfois nous oscillons entre les deux. Oui … non …oui…

AK : Effectivement, dans les paraboles les choses sont tranchées, pour que nous puissions y voir clair. Mais dans la vie, nous sommes souvent les deux à la fois. Le fils aîné et le fils cadet. Ce qui compte, c’est la vigne qui nous est donnée. Elle nous attend. Elle veut se donner à nous.

GE : Travailler dans la vigne peut sembler bête à certains : Répétitif, dur, sans intérêt. On pourrait le faire faire aux autres.

AK : Dans l’Eglise, j’en connais qui sont contents quand ils savent qu’il y a des gens qui font des visites, qui donnent dans l’offrande, qui vont au culte … un peu à leur place. C’est rassurant. Mais ils se privent de l’essentiel. Regarder n’est pas participer.

GE : Certains voient la vigne pousser, parfois bien, parfois mal, mais ils ne la connaissent pas vraiment.

AK : C’est en taillant la vigne, qu’on doit faire des choix. Ce n’est pas répétitif. Non, nous sommes tous invités à donner une forme à notre foi, à notre Eglise, à notre société. Travailler dans la vigne, c’est tailler.

GE : Pourrait-on continuer ainsi la comparaison avec l’engrais qu’on apporte, avec le relevage des branches … ?

AK : Il me semble que oui. La vigne n’est pas un univers figé. La foi que nous investissons est vivante. Elle se développe au moment où nous mettons la main à la pâte. Mon rang de vigne, ton rang de vigne, …. ils n’ont pas la même allure.

GE : Mais tous ont un même but : Porter du fruit pour qu’on puisse faire du vin et …faire la fête.

AK : Car combien de personnes oublient que la foi est là pour nous ressourcer, pour nous nourrir, pour nous porter. Elle n’est pas une corvée mais une promesse de joie.

GE : A chaque baptême, nous pouvons renouveler notre présence dans la vigne, comme T…. l’a fait tout à l’heure.

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